mercredi 2 décembre 2015

Socialisme, communisme et syndicalisme raconté à mes élèves...



Source du schéma : https://myhistoiregeo.wordpress.com/, un site que je vous recommande !


La sonnerie de la fin de l'heure retentit. Dans un réflexe pavlovien, les élèves rangèrent leurs affaires, rejetèrent leurs chaises vers l'arrière et se précipitèrent dans le couloir, me plantant là avec ma phrase inachevée. Dommage, une belle conclusion qui résumait l'heure de cours et annonçait le thème de la prochaine séance. Une phrase à faire rougir de plaisir un pédagogue qui se serait égaré dans ma classe. Mais ils ne savent peut-être pas que passé la sonnerie, l'élève n'a plus d'oreilles. Ni le matin (trop tôt), ni avant le déjeuner (trop faim), ni après le déjeuner (digestion), ni en fin d'après midi (trop tard).

Mais déjà les premiers élèves de terminales apparaissent :
- Ouah ça pue ici !
- Oui, bonjour à toi aussi Nicolas !
- Ah ouais pardon, bonjour, non mais franchement c'est pas humain c't'odeur !
- Rassure toi ce sera pire quand vous quitterez cette salle...
- Ben d'accord dites qu'on sent mauvais aussi ! Intervint Léa tout en refermant les fenêtres
- Bon allez on va pas y passer l'heure, on a du lourd qui nous attend !
- On fait quoi aujourd'hui demanda Alexandre, bonnet sur la tête et skate à la main, cherchant encore où il allait s'asseoir
- Socialisme, communisme et syndicalisme en Allemagne depuis 1850 !
- C'est chelou ça...c'est de l'histoire ou de la géo ? Demanda Antoine qui à peine installé sur sa chaise prévoyait de se rendormir
- De la géo bien sûr ! Tu sais bien que le socialisme est un continent inexploré et le communisme un fleuve d'Afrique...
- Bon d'accord c'était bête ma question, mais faut dire tous ces mots en isme aussi... va falloir les apprendre ?
-Ben oui, et les utiliser intelligemment aussi, et puis pas que ceux là tu vas voir ! D'ailleurs c'est quoi le socialisme
Au fond de la classe Nicolas agita la main comme si sa vie en dépendait :
- Moi je sais ça a un rapport avec le barbu là, Marx !
- Mais non lui c'était le communisme ricana Alexandre qui avait enfin trouvé une chaise avec une place libre pour son skate à côté.

- Bon on va reprendre les choses par le début : déjà le contexte : en Allemagne, dans la deuxième moitié du XIXe et le début du XXe, on assiste à une forte industrialisation : développement des grandes usines, travail à la chaîne, taylorisme, fordisme tout ça vous l'avez vu l'an dernier
-Ah oui m'sieur on va revoir les temps modernes avec Chaplin ? Demanda Jérémy toujours prêt à regarder un film
- Je continue ! Avec cette industrialisation, on a une explosion du nombre d'ouvriers (x2 sur la période), et un développement de l'urbanisation (+50%). Inutile de vous dire que les conditions de vie et de travail sont très limites, et du coup un certain nombre de penseurs réfléchissent au moyen de résoudre la « question sociale », c'est-à-dire d'améliorer la condition ouvrière. C'est ce que l'on appelle le socialisme.


Et c'est là qu'interviennent Marx et Engels, que disent-ils ?
Jérémy leva la main et répondit d'un air concentré :
- selon eux la société industrielle produit tellement d'inégalités entre bourgeoisie et classe ouvrière qu'une révolution est inévitable, et le socialisme doit mener au communisme, c'est-à-dire une société sans classe

Typhaine se retourna, interloquée, pour vérifier qui avait parlé.

- C'est bien tu sais au moins lire ton livre, les autres vous pouvez regarder aussi l'encadré p.109
Bon si je résume, le socialisme au départ c'est l'ensemble des doctrines qui veulent améliorer la condition ouvrière. Pour y arriver deux solutions : soit on le fait par réforme (c'est ce que voulait Ferdinand Lasalle, fondateur du premier parti socialiste allemand : l'ADAV), soit on le fait par la révolution, comme le prône Marx : c'est le cas du SDAP fondé par Liebknecht et Bebel
- Bebel, c'est un ancêtre de Jean-Paul ?
- Merci Nicolas, je n'en attendais pas moins de toi !

- Attendez ! Intervint Erika, là je suis complètement paumée, c'est quoi tous ces gens ?
- Tous sont socialistes puisqu'ils veulent améliorer la condition ouvrière, mais certains veulent le faire progressivement, par réformes, par la loi, ce sont les réformistes, tandis que les autres veulent le faire par la révolution, renverser les bourgeois et le régime impérial en même temps
- Pfffou, ils pourraient pas s'entendre ce serait plus simple...
- Ils essaient, en fondant en 1875, le premier grand parti socialiste européen né de la fusion officielle de l’ADAV et du SDAP, lors du congrès de Gotha. Le Parti socialiste des ouvriers allemands (SAP) se dote d’un programme révolutionnaire, mais propose également des réformes visant à améliorer la condition ouvrière, dans le cadre d’un Etat démocratique.
- Oui donc ils ne s'entendent pas en fait remarqua Antoine qui finalement ne dormait pas
- C'est un peu cela : dès ses débuts, le mouvement socialiste allemand est traversé par des divisions : une frange révolutionnaire se démarque d’éléments appelés réformistes - ou révisionnistes - largement critiqués par Karl Marx.
Au passage vous noterez aussi que ce parti allie l'amélioration de la condition ouvrière à la démocratisation du régime.

- Et comment ça se passe, ils se réunissent mais ils n'ont pas de moyens d'actions si ils n'ont pas de députés ? demanda doucement Elise
- Pas encore, mais très rapidement le parti s'organise en véritable « contre-société », avec des associations, des orchestres, des équipes sportives, une presse socialiste, le tout renforçant la solidarité entre les membres, et renforçant son influence...
Manon fit la moue, visiblement peu convaincue par les loisirs socialistes
- … D'ailleurs, le chancelier Bismarck qui était le chef du gouvernement ne s’y trompe pas, puisqu’il fait adopter en 1878 les "lois antisocialistes" interdisant le SPD et les syndicats. Pour tenter de se rallier la classe ouvrière, il fait également voter une série de lois sociales dans les années 1880-1890 : assurance sociale, assurance maladie, assurance vieillesse et invalidité, réduction du temps de travail des femmes et loi sur le repos hebdomadaire obligatoire.
Kristen leva un sourcil, l'air embêté :
- Ben pourquoi il fait ça, si c'est pas ses idées ?
Malaurie répondit doucement :
- Peut-être que comme ça il leur enlève leur influence ?
- Exactement, il leur coupe l'herbe sous le pied on pourrait dire ! Mais au final ça ne change pas grand chose car en 1890, le départ de Bismarck permet la levée des lois antisocialistes : le mouvement socialiste est de nouveau autorisé.

Léo intervint, un peu surpris, pendant que son voisin emmitouflé dans sa doudoune se balançait sur sa chaise en regardant les autres term sortir du gymnase en tenue de sport :
- Donc en gros il a pris des mesures antisocialistes qui finalement n'ont pas mis fin au socialisme ?
- Complètement ! Surtout qu'en 1890, le SAP devient le Parti social-démocrate d’Allemagne (SPD) sous l’impulsion d’August Bebel et l’année suivante, au congrès d’Erfurt (1871), des propositions concrètes pour l’amélioration de la condition ouvrière sont formulées, bien que la ligne marxiste et révolutionnaire du parti soit confirmée.

Les yeux des élèves se levèrent, je pouvais presque voir leurs neurones se taper la tête contre les parois des cerveaux
- Vous avez rien compris ?
- C'est ça ! S'exclama la classe d'une seule voix
- Bon en gros retenez que le parti se déclare toujours officiellement révolutionnaire, mais que dans les faits la voie réformiste l'emporte au sein du parti. D'ailleurs le SPD participe à toutes les élections et devient même le premier parti au Reichstag en 1912 .
Vous voyez ? Toujours ce grand écart avec des réformistes et des révolutionnaires qui cohabitent au sein d'un même parti !

Enora soupira. Je ne sais pas si c'était la complexité de la leçon ou le fait que son voisin se débattait avec un rouleau de scotch depuis le début de l'heure...à moins que ce ne soit le contenu de sa conversation plus ou moins discrète avec Pauline et Fanny...
- Bon et alors c'est qui cette Rosa Luxembourg et ce Karl Liebknecht dont on nous parle dans le livre ? Ils pourraient pas avoir des noms normaux déjà ?
- Ben ce sont des noms normaux...pour eux ! Sinon pour répondre à ta question, Luxemburg et Liebknecht ce sont des socialistes révolutionnaires

Anaïs et Océane attendaient, stylo levé, de voir si vraiment c'était important de noter toutes ces choses, puis finalement s'y résignèrent...

- Le problème du SPD, c'est qu'au moment de la 1ère guerre mondiale, certains socialistes veulent participer à la guerre, par patriotisme, car ils se sentent Allemands, tandis que d'autres, une minorité, s'opposent à la guerre en estimant que les travailleurs de tous les pays doivent être solidaires et faire passer l'intérêt des ouvriers avant celui de leur pays. D'ailleurs c'est pareil en France, après l'assassinat de Jaurès qui voulait la paix, la plupart des socialistes français rejoignent ce que l'on appelle l'Union Sacrée.

- Et Liebknecht et Luxembourg alors, qu'est-ce qu'ils veulent ? Demanda Sébastien qui gardait de bons restes de l'année passée.
- Eux ils sont contre la guerre, du coup ils sont exclus du SPD en 1915 et fondent la ligue spartakiste allemande, ancêtre du parti communiste allemand. Et ils sont assez proches de tous les socialistes qui ne veulent pas la guerre et qui ont formé un nouveau parti : l'USPD
- Oh non c'est pas vrai ! S'écria Brendan, ils font ch... on n'y comprends rien à leurs histoires !

- Du calme, je reprends : on a un parti socialiste, le SPD, qui au moment de la guerre se divise entre les réformistes, qui restent au SPD et soutiennent la guerre, et les USPD et spartakistes qui eux s'opposent à la guerre et sont des socialistes plus révolutionnaires.
- Pas si vite s'écria Maéva en regardant le cahier d'Eva, j'arrive plus à suivre là !

- Attendez, le plus drôle, c'est que le 9 novembre 1918, l'Empereur Guillaume II abdique, du coup la République est proclamée. Mais en fait elle va être déclarée deux fois ! le SPD met en place une république parlementaire, soutenue par les élites traditionnelles (bourgeoisie et armée) tandis que les spartakistes proclament une république des conseils (un peu sur le modèle de ce qui s'est fait en 1917 en Russie) ! On a un pays vaincu, mais deux républiques, les deux s'ignorant superbement d'ailleurs, ou plutôt se remettant en cause mutuellement, voire s'affrontant
Corentin quitta soudain son air placide :
- Mais ça peut pas tenir ça !
- Eh non ! C'est pour cela que ces soulèvements seront réprimés par le gouvernement SPD dirigé par F.Ebert et son ministre SPD de la Défense Gustav Noske, qui font appel aux corps francs (des militaires démobilisés après l'armistice qui ne savaient plus trop quoi faire de leurs journées...). La répression fut particulièrement dure à Berlin durant la semaine sanglante (6-12 janvier 1919). Le 15 janvier, Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht sont assassinés.
- Ah ouais donc ils s'assassinent entre socialistes maintenant !

- Ben c'est le problème : à partir de là, aux yeux de la classe ouvrière, le SPD a trahi les ouvriers pour garder en place une république modérée et trop « bourgeoise » à leurs yeux. Du coup cet épisode marque pour longtemps la division entre socialistes réformateurs et révolutionnaires qui fondent alors le parti communiste.



- He ben c'est pas compliqué tout ça, déclara Jean en soupirant. Vous auriez pas un petit dessin ou un schéma pour que ce soit plus compréhensible ?
- Ou une petite vidéo ? Rajouta Jérémy dans un sourire
- Pas de vidéo, mais un petit dessin oui, regardez celui-là : si vous l'avez compris, le plus dur est fait !



Le programme d'HG raconté à mes élèves... ©Vincent Pauthier (Oui maintenant je mets des copyright ça fait classe)

0 commentaires:

Archives du blog

Fourni par Blogger.

Réviser le chapitre d'hggsp de terminale sur Faire la guerre faire la paix

 Voici deux petites vidéos de révision sur le chapitre d'hggsp de terminale: "Faire la guerre, faire la paix"

Contact Us

Nom

E-mail *

Message *

Rechercher dans ce blog

featured Slider

Random Posts

Flickr

About me

Pinterest Gallery

Popular Posts

About me

Pages

About me

Facebook

Popular Posts